Banal Canal
Roman Graphique en trois volumes
Pourquoi a-t-on voulu démolir l’incroyable Kasteel* Beaulieu ?
Ce château, qui a été dessiné par un élève de Rubens sur ordre de la célèbre famille de Tour et Taxis, a été construit en 1654 à proximité de la rive droite du Canal
Ce château – implanté en territoire flamand à seulement 600 mètres de la zone de Bruxelles – aurait-il pu être l’objet d’un enjeu communautaire ? ! ? Paradoxalement c’est en 1929 que la 1re crise économique mondiale lui évite d’être rasé. Quinze ans plus tard, il est toujours debout, mais le temps a fait son œuvre et les déprédations sont nombreuses malgré la surveillance active des voisins. Il faudra encore attendre un après-midi de septembre 1944 avant qu’un certain Charles Mertens ne le découvre au détour d’une promenade.
* Kasteel : mot flamand qui signifie château.
Charles Mertens
Emu par la déchéance du château, Charles décide de le rénover. Et de le transformer en musée. En Musée de la Dynastie, puisque son premier propriétaire est l’ancêtre direct de la Reine Astrid. Mais la rénovation coûte cher et ce château finit par l’entraîner dans un gouffre financier. La rénovation des étages n’est pas encore terminée en 1956, mais Charles est ruiné et se trouve dans l’obligation de le revendre. Dans les années soixante, après avoir changé plusieurs fois de propriétaire, Kasteel Beaulieu devient propriété de l’état. Mais les dossiers s’égarent d’une communauté à l’autre et la dégradation du château se poursuit. Serait-il l’objet d’une malédiction ?
Des trésors dans nos bibliothèques
J’ai décidé de mener mon enquête. Et mes recherches m’ont menée de bibliothèques publiques en bibliothèque royale (KBR) mais c’est grâce à l’intervention de Béatrice Reynaerts, licenciée en histoire de l’art, que j’ai fini par trouver des documents privés et quelques photos inconnues de mon héros. Parmi elles, une photo prise à l’occasion de la remise de médaille de l’Ordre de Léopold, une photo d’où se dégage toute la richesse d’une personnalité hors du commun.
Une histoire bruxelloise entre faits réels et fiction
J’ai travaillé sur une documentation très pointue et j’ai pris la peine de procéder à de nombreux recoupements, mais la matière était énorme et je ne suis pas historienne. J’ai donc choisi la forme d’un roman graphique en trois volumes qui me permettait d’y inclure de nombreux personnages fictifs. Afin de m’aider à rendre ce travail lisible et fluide, j’ai fait appel au talent de relecture de Séraphine, dessinatrice de BD.
Banal Canal
En 1986, j’ai visité une exposition d’Art Néon à ISELP (BXL). Depuis lors, l’idée d’intégrer des néons dans mes BD ne m’a plus quittée.
Pourtant il m’a fallu attendre plusieurs années avant que la conjonction idéale n’apparaisse : la rencontre avec Pierre Rossenfosse (Néon Futura), celle avec la vidéaste Zoé Tabourdiot, sans oublier l’aide financière de ma famille et mon statut d’artiste, qui m’ont donné la possibilité de faire réaliser ce documentaire et cette enseigne de néon, soutiens visuels du premier livre du roman graphique Banal Canal :
LUCIEN néons.
Je remercie aussi tous ceux – il y en a eu beaucoup – qui, de près ou de loin, m’ont aidé à concrétiser ce projet original,
Jean-Claire Lacroix
Témoignage
« Il y a une dizaine d’années, Jean-Claire a exposé les dessins originaux de son livre « Route 54 »* à la bibliothèque d’Ixelles, ce qui m’a permis de découvrir une nouvelle facette de son travail. Jean-Claire, je la connaissais comme dessinatrice de presse, mais là, elle arrivait avec un livre qui racontait le parcours du bus 54 avant la scission de la ligne. Pendant des années, le 54 a en effet traversé tout Bruxelles ; la bibliothèque d’Ixelles, lieu que Jean-Claire fréquente depuis plus de 30 ans, se trouve à deux pas de l’arrêt Fernand Cocq. D’où cette rencontre…
Ce qui m’a frappée en premier lieu dans son dessin, c’est le noir et blanc, l’atmosphère et les ambiances de pluie, cette petite pluie collante à la Simenon, la lumière pâle des phares et des réverbères, la solitude des personnages. Sa façon de regarder, de saisir quelque chose au plus profond de l’âme humaine sans avoir l’air d’y toucher, c’est son style. Pourtant, au détour d’une page, l’été explose parfois avec ses couleurs, le vert des arbres, le ciel bleu, un morceau du château de Beaulieu ou le chapiteau d’une église égarée au milieu de nulle part.
Le trait de Jean-Claire est rapide, juste, son œil va droit à l’essentiel. Elle fait semblant de nous offrir des livres éducatifs, elle se documente pendant des mois ou des années, mais en réalité, elle nous raconte des histoires parce que ce sont les gens qui l’intéressent.
Elle esquisse des rues, des bâtiments, met en avant les éléments d’un patrimoine oublié, un potager caché, le détail d’une façade, un pont, et rend hommage au canal autour duquel s’est construite une certaine vie économique à Bruxelles. L’histoire est là, avec un grand H, mêlée aux vies et destins hasardeux de ses personnages vrais ou inventés : Jef, Rita, Christian…
L’humour, l’ironie, la poésie font partie de la palette unique de cette très grande dessinatrice dont chaque illustration évoque un univers à la fois réel et fantasmé. »
Dominique Bovesse
Bibliothèque d’Ixelles
*Route 54 : histoires à voyager debout, CFC éditions, 2007